Communiqués de presse

Sir Zafrullah Khan, un géant de l’Ahmadiyya

Zafrullah Khan, musulman et homme d’État, a laissé une marque permanente dans l’histoire suite à son engagement dans la défense des droits des habitants du Pakistan, des Arabes de Palestine et des citoyens de l’Afrique du Nord.

En ces temps de paix relative dans le monde arabe, il est bon ton d’émettre des doutes quant aux avancées entreprises par certains ahmadis au sein des nations qui la composent, ou plus largement au sein de la communauté internationale. C’est omettre que c’est par la constitution de la communauté musulmane Ahmadiyya qui, loin de couper le courant dominant de l’islam et elle-même, va ériger des ponts entre eux et ressouder les deux mondes. Parmi elle se trouvait un dévot hardi et grand amoureux du monde arabe : Chaudhry Sir Muhammad Zafrullah Khan.

zafrullah et faisal
Sir M. Zafrullah Khan, à droite, parle avec Amir Faisal al Saud, centre, et Shaikh Asad al Faqih, de l’Arabie saoudite. 24 novembre 1947, Lake Success, New York. Photo ONU / KB

Homme d’État respecté dans le monde entier, il a laissé une marque permanente dans l’histoire contemporaine en raison de son engagement profond dans la défense des droits des habitants du Pakistan, des Arabes de Palestine et des citoyens de l’Afrique du Nord. C’est le deuxième Calife de la communauté musulmane Ahmadiyya, Hadhrat Mirza Bashir-ud-Din Mahmood Ahmadra, qui infusera en lui cette passion pour le service de l’Islam et des musulmans. Il est plus que temps qu’on lui rende, suivant la belle expression de Lucien Febvre, son « droit à l’histoire ».

Zafrullah Khan, le patriote

La première dette envers Zafrullah Khan est d’abord d’ordre national. En effet, Zafrullah Khan va travailler d’arrache-pied pour son pays, le Pakistan. Le premier grand politicien à reconnaître les talents de Zafrullah Kan a été Sir Fazli Hussain, le fondateur du Parti Unioniste du Pendjab. Alors âgé d’une trentaine d’années, il commencera sa carrière en tant que membre du Conseil législatif du Pendjab, ou il gagnera en importance et se forgera une solide réputation.

En 1931, il deviendra président de la Ligue musulmane et fera face à Churchill dans une audition de comité qui sera forcé d’accepter son point de vue. Plus tard, on lui offrit un siège au conseil permanent du vice-roi. Il servira également à divers moments comme ministre des chemins de fer, des travaux publics, du travail et du droit sous le vice-roi. Pendant une brève période, il devint également le représentant de l’Inde britannique à la Société des Nations, juste avant sa dissolution.

Zafrullah Khan et le Mousleh Mauoud
Zafrullah Khan avec son Imam, Mirza Bashir ud Din Mahmoud Ahmad, 2e Calife de la Jama’at Al-Ahmadiyya

Cependant, sa plus grande contribution sera la rédaction de la célèbre résolution de Lahore, qui jusqu’à ce jour est le point de ralliement du Pakistan. Il avait été chargé de trouver un point commun entre la demande populaire du « Pakistan » et la Ligue musulmane indienne. La résolution de Lahore était une solution large qui laissait la porte ouverte à plusieurs solutions et négociations sur la question de la partition. En substance, il envisagera deux ou trois grandes Républiques pour les peuples musulmans et c’est ce document qui constitue la base non seulement du Pakistan, mais aussi du Bengladesh. À partir de 1942, il exercera les fonctions de juge fédéral (équivalent d’un juge de la Cour suprême) en Inde et pris finalement congé à la veille de la constitution du Pakistan pour servir la cause nationale devant la Commission Radcliffe, à la demande personnelle de Jinnah.

Ses efforts seront récompensés en 1947 lorsqu’il sera nommé, par Jinnah, ministre des Affaires étrangères, poste qu’il conservera jusqu’en 1954.

Zafrullah Khan, l’arabophile

Le deuxième aspect qui caractérise la vie de Muhammad Zafrullah Khan fut son infatigable et indéfectible soutien aux nations arabes et du Tiers-Monde au sein de l’assemblée onusienne. Identifiant assez tôt les intérêts communs du Pakistan et des pays musulmans, il se battra corps et âme pour les droits des musulmans dans le monde entier.

Zafrullah et Gamal Nasser
Zafrullah Khan rencontre Gamal Nasser d’Egypte

Une des premières décisions qu’il prendra en tant que ministre des affaires étrangères sera d’arrêter les vols liés aux Pays-Bas à l’aéroport de Karachi sachant pertinemment que le gouvernement hollandais pilotait des troupes pour mener une action militaire en Indonésie. Cette mesure s’est révélée significative pour le succès des combattants de la liberté indonésienne.

Sa défense des droits des Arabes de Palestine constitue un autre chapitre glorieux de l’histoire de la lutte des musulmans contre le colonialisme et la domination étrangère. À un moment où les Arabes manquaient d’unité et de coordination, Sir Muhammad Zafrullah Khan usera de toute sa force afin de persuader les puissances occidentales, alors déterminées à établir une État Sioniste au cœur du monde Arabe. Affligé par les dessins sionistes soutenus par les régimes capitaliste et communiste de l’époque, il visitera la Palestine en 1945 et cristallisera sa position dans un discours historique prononcé le 7 octobre 1947. Il confirmera ses dires en mai 1948 face au ministre des Affaires étrangères britannique de l’époque, Ernst Bevin. Cet événement provoquera des remous dans les médias internationaux, notamment à New York, où tout le monde essayait de savoir qui était Zafrullah Khan.

De 1948 à 1954, son activisme pour les musulmans redoublera d’intensité puisqu’il représentera le Pakistan au Conseil de sécurité à l’ONU, où il prendra à bras-le-corps le cas des libérations de la Lybie, de l’Érythrée, du Soudan, de la Somalie, de la Tunisie, du Maroc ainsi que de l’Indonésie.

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Il sera invité à Damas afin de rencontrer les ministres des Affaires étrangères de six pays arabe de première ligne dans le but de coordonner une stratégie contre le sionisme. En 1951, il visitera la Turquie, le Liban et la Syrie. L’année suivante, il se rendra en Iran, en Jordanie et en Syrie. Au cours de ces multiples visites, il établira des contacts avec les dirigeants de ces pays, notamment avec Gamal Abdel Nasser d’Égypte, le Roi du Maroc, le président et le premier ministre syrien et les souverains hachémites de Jordanie. L’un des contacts les plus insolites sera celui avec le prince héritier Fayçal d’Arabie Saoudite, qui plus tard deviendra Roi. À son invitation, il visitera le pays en mars 1958 et aura le privilège d’y faire la ‘Umrah. Reçu par le Roi Saoud, celui-ci le remerciera personnellement pour les services rendus aux peuples Arabes.

Zafrullah Khan et Roi de Jordanie
Le Roi Hussein de Jordanie décore Sir Zafrullah Khan pour ses services courageux et louables pour la Palestine

En pleine guerre d’Algérie, Sir Zafrullah Khan, alors ministre des Affaires étrangères du Pakistan, offrira son soutien au FLN, et accordera à Ahmed Ben Bella et à Ferhat Abbas, un passeport diplomatique pakistanais afin qu’ils puissent voyager à l’étranger en dépit de la chasse internationale entrepris par les Français et leurs alliés à leurs égards. Sir Zafrullah Khan soutiendra ardemment l’indépendance de l’Algérie et aidera directement ses principaux dirigeants à obtenir l’espace nécessaire à l’indépendance vis-à-vis de la France.

C’est dire si dans le monde arabe, son nom est inextricablement lié à l’indépendance de ces territoires.

Pour conclure, citons les mots de M. Fadhil Jamali, ancien ministre des Affaires étrangères irakien. Lui rendant hommage à son décès, il écrira dans le quotidien tunisien « Al-Sabah » daté du 10 Octobre 1985 : « Il n’a pas été possible pour un Arabe, si capable et compétent soit-il, de servir la cause de la Palestine de la manière dont ce grand et distingué homme s’était dévoué. […] Il faut reconnaître que Muhammad Zafrullah Khan occupe une position proéminente dans la défense des Palestiniens. […] Après la Palestine, les services de cet homme pour l’indépendance de la Lybie mérite également l’admiration […], et sa lutte pour les droits des Arabes a constitué la base d’une ferme et durable amitié entre nous. »


Ahmed Danyal Arif – Auteur de « L’Islam et le Capitalisme : Pour Une Justice Economique » -(Editions L’Harmattan, avril 2016)