Sermons 2019

Outhman Bin Maz’oun – noble compagnon de Badr

Baitul-Futuh-Dome-Interieur
Photo: Tanveer Khokhar - www.uk.smugmug.com/

Dans son sermon du 19 avril 2019, Sa Sainteté le Calife a évoqué Outhman bin Maz’oun, un des nobles compagnons du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) ayant participé à la bataille de Badr.

Sermon du vendredi 19 avril 2019, prononcé par Sa Sainteté le Calife, Hadrat Mirza Masroor Ahmad, à la mosquée Baitul-Futuh à Londres. Après le Ta’awudh, le Tashahoud et la Sourate Al-Fatiha, Sa Sainteté le Calife a déclaré :

Le compagnon de Badr que j’évoquerai aujourd’hui se nomme ‘Outhmān bin Maz‘oun. Son nom d’emprunt était Abou Sa’ib. La mère d’Outhmān se nommait Soukhayla Bint Ambas. ‘Outhmān bin Maz’oun et son frère Qoudama se ressemblaient. Il appartenait à la famille des Banou Jouma des Qouraychites.

Ceci est le récit de l’acceptation de l’islam par ‘Outhmān bin Maz‘oun. Ibn ‘Abbas relate qu’une fois le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) était dans la cour de sa maison à La Mecque lorsque ‘Outhmān bin Maz’oun est passé par là. Il a souri en voyant le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) et celui-ci lui a demandé s’il ne souhaitait pas s’asseoir. ‘Outhmān bin Maz’oun a répondu à l’affirmative et il s’est assis devant le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). Celui-ci conversait avec ‘Outhmān bin Maz’oun quand soudainement l’Envoyé d’Allah a relevé les yeux ; et pour un instant il a regardé vers le ciel. Ensuite il a baissé le regard petit à petit, tant et si bien qu’il a commencé à regarder le sol vers sa droite. Il s’est détourné d’Outhmān pour regarder dans une autre direction et il a baissé sa tête. Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) hochait de la tête comme s’il saisissait un point [qu’on lui disait]. ‘Outhmān bin Maz’oun observait toute la scène. Quelque temps après, le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) s’est libéré de sa tâche, de l’action qu’il accomplissait ou de ce qu’on lui disait. ‘Outhmān, quant à lui, ignorait la teneur de la conversation. En tout cas, lorsque le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) a saisi le point qu’on lui disait, il a regardé de nouveau vers le ciel comme pour la première fois. Ensuite il a suivi un objet du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse dans le ciel.

Ensuite, le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) s’est tourné de nouveau vers ‘Outhmān qui lui a demandé : « Pourquoi devrai-je m’asseoir en votre compagnie ? Jamais auparavant je ne vous ai vu faire ce que vous avez fait d’aujourd’hui. » C’était là la question qu’il avait posée au Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). Celui-ci de demander : « Que m’as-tu vu accomplir ? » ‘Outhmān bin Maz’oun a répondu : « Je vous ai vu regarder vers le ciel ensuite vers la droite. Vous avez regardé dans une autre direction et vous avez hoché de la tête, comme-ci vous tentiez de comprendre ce qu’on vous disait. »

Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) lui a demandé : « Est-ce que tu as ressenti tout cela ? » ‘Outhmān bin Maz’oun a répondu à l’affirmative. Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) a ajouté : « Le messager de Dieu m’est apparu à l’instant et m’a donné un message tandis que tu étais là. »

‘Outhmān bin Maz’oun a demandé : « Un messager d’Allah ? » Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) a répondu : « Oui. » ‘Outhmān a demandé : « Que vous a-t-il dit ? » Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) a déclaré : « Il a dit ceci :

إِنَّ اللَّهَ يَأْمُرُ بِالْعَدْلِ وَالْإِحْسَانِ وَإِيتَاءِ ذِي الْقُرْبَى وَيَنْهَى عَنِ الْفَحْشَاءِ وَالْمُنْكَرِ وَالْبَغْيِ يَعِظُكُمْ لَعَلَّكُمْ تَذَكَّرُونَ

En vérité, Allāh enjoint la justice et la bienfaisance envers autrui, et de donner pour Sa cause comme on le fait à des parents proches ; et interdit l’indécence, et le mal manifeste et la transgression. Il vous admoneste afin que vous preniez garde. » (16 : 91)

‘Outhmān bin Maz’oun relate : « Dès cet instant, la foi a pénétré mon cœur. J’ai éprouvé de l’amour pour Muhammad (s.a.w.). »

Hazrat Mouslih Maw’oud (r.a.) évoque la période initiale après que le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) s’était proclamé Prophète. Il relate que durant cette période, Talha, Zoubayr, ‘Oumar, Hamza et ‘Outhmān bin Maz’oun étaient des compagnons très fidèles du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). Ils étaient tous plus enclins à faire couler leur [propre] sang que de laisser couler la sueur du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.).

Sans nul doute, le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) a souffert durant treize ans, il a confronté des difficultés et des tourments. Mais il était serein : car de parmi les Mecquois, des gens doués d’intelligence et de compréhension, jouissant de statuts éminents et empreints de Taqwa et de pureté, l’avaient accepté. Désormais, les musulmans étaient une force reconnue. Quand quelqu’un disait du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) qu’il était fou – qu’Allah nous préserve d’une telle pensée – son compagnon répliquait : « S’il est réellement fou, pourquoi untel qui est doué de compréhension et d’intelligence l’a-t-il accepté ? »

Personne ne pouvait répliquer à cette rhétorique. Les écrivains européens avaient remué ciel et terre contre le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) : ils l’avaient critiqué à outrance, allant jusqu’à l’insulter. (Cela perdure jusqu’à présent.) Mais ils admettent qu’Abou Bakr était empli d’abnégation. Certains écrivains occidentaux affirment : « Comment celui qu’Abou Bakr a accepté peut-il être un menteur ? » [En d’autres termes], étant donné que vous louez Abou Bakr, celui qu’il a accepté est sans nul doute digne d’éloges.

Si Abou Bakr était empli d’abnégation, pourquoi aurait-il accepté quelqu’un d’avide ? S’il était réellement empli d’abnégation il faudra accepter que son maître aussi était empli d’abnégation.

Il s’agit là d’une grande preuve qu’il n’est pas facile de rejeter.  

Hazrat Mouslih Maw’oud a dit la même chose à propos du Messie Promis (a.s.). Il déclare : « L’on dit du Messie Promis (a.s.) qu’il était un ignorant. Mais afin de répondre à cette objection, Allah a fait en sorte que le premier Calife l’ait accepté au tout début. Maulvi Muhammad Hussain Batalvi faisait les éloges du Messie Promis (a.s.) avant qu’il ne s’annonce [Prophète]. Or, lorsqu’il s’est dit envoyé d’Allah, toute une communauté de lettrés choisis par Dieu a cru en lui. Ces lettrés étaient issus des Oulémas, des nantis et de ceux qui maîtrisaient la langue anglaise. »

Le Mouslih Maw’oud ajoute : « Trois facteurs engendrent le respect et l’admiration : la foi, la connaissance et la richesse. Or, Allah a octroyé ces trois éléments à la Jama’at du Messie Promis (a.s.). Il lui a accordé des compagnons qui étaient admirés par le monde. »

Jusqu’à ce jour les prescriptions [médicales] du Premier Calife sont utilisées par des médecins traditionnels non-Ahmadis et [d’ailleurs] ils le disent eux-mêmes.

En tout cas, les suivants du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) étaient issus de toutes les couches de la société et ils appartenaient à des familles notables.

Évoquant le dépit et la jalousie des Kouffar de La Mecque, Hazrat Mouslih Maw’oud a déclaré : « Dieu a fait en sorte que les cœurs des mécréants soient toujours en train de brûler. Ils ne savaient pas comment éteindre ce feu. Dans toutes les grandes familles, il existait des individus qui avaient accepté le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). Zoubayr appartenait à une grande famille, ainsi que Talha, ‘Oumar, ‘Outhman et ‘Outhmān bin Maz‘oun. Il en est de même d’Amr Bin ‘Aas et de Khalid Bin al-Walid, qui avaient plus tard embrassé l’islam. Ils faisaient partie des grandes familles de La Mecque.

‘Aas étaient un opposant de l’islam, mais son fils ‘Amr est devenu musulman. Al-Walid était un opposant de l’islam, mais Khalid, [son fils], est devenu musulman.

Ainsi, dit le Mouslih Maw’oud, il existait des milliers de personnes qui étaient des ennemis acharnés de l’islam, mais leurs enfants se sont placés aux pieds du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) et ils ont combattu leurs pères et leurs proches sur le champ de bataille.

L’on trouve mention des récits de l’immigration d’Outhmān bin Maz’oun en Abyssinie et de son retour à La Mecque. Comme mentionné plus tôt ‘Outhmān bin Maz’oun faisait partie des tous premiers musulmans. Selon Ibn Ishaq, ‘Outhmān bin Maz’oun était la quatorzième personne à avoir embrassé l’islam. ‘Outhmān et Sa’ib son fils, accompagné d’un groupe de musulmans, s’étaient rendus en Abyssinie lors de la première émigration. Lors de leur séjour là-bas ils avaient reçu la nouvelle que les Qouraychites avaient embrassé l’islam : sur ce ‘Outhmān bin Maz’oun est retourné à La Mecque. Selon Ibn Ishaq, quand les émigrants en Abyssinie ont reçu la nouvelle que les habitants de La Mecque s’étaient prosternés avec le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.), ils y sont retournés.

Dans mes précédents sermons j’ai fait mention de cet incident.

D’autres personnes les avaient accompagnés. On ignore la raison de cette prosternation. Ils croyaient que tous mécréants avaient accepté le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). La vérité s’est dévoilée quand ils se sont rapprochés de La Mecque, mais il leur était alors difficile de retourner en Abyssinie.

Selon d’autres récits, certains étaient retournés en Abyssinie dont ceux qui craignaient de rentrer à La Mecque sans protection. En tout cas, d’aucuns ont campé en route jusqu’à ce que chacun d’entre eux ait pu recevoir la protection d’un Mecquois afin de rentrer à La Mecque. ‘Outhmān bin Maz’oun avait pris la prit la protection de Walīd bin Mughīrah. Selon Ibn Ishaaq, ‘Outhmān bin Maz’oun a pris conscience que le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) et ses compagnons étaient tourmentés et persécutés, tandis qu’il vivait [quant à lui] dans la paix nuit et jour sous la protection de Walīd bin Mughīrah, un chef non-musulman des mécréants. ‘Outhmān s’est dit : « Je suis en train de vivre en paix sous la protection d’un polythéiste tandis que mes amis et leurs proches souffrent et sont persécutés dans la voie d’Allah. Certainement il existe en moi des défauts. » Il est parti voir Walīd bin Mughīrah et lui a dit : « Ô Abou Abd Shams ! » C’était là le nom d’emprunt de Walīd bin Mughīrah. « Tu as assumé ta responsabilité. Je jouissais de ta protection et à présent je préfère m’en départir afin de me rendre auprès du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.), car lui et ses compagnons sont pour moi des exemples.

Walīd bin Mughīrah était l’ami proche du père d’Outhmān bin Maz‘ūn. Il a déclaré : « Ô mon neveu ! Peut-être qu’on t’a fait souffrir ou qu’on t’a déshonoré en raison de ma protection. » ‘Outhman bin Maz’oun a répondu : « Non ! Mais je suis satisfait de la protection d’Allah. Je souhaite sortir de la tienne, pour jouir de celle d’Allah. Je ne demanderai la protection de personne d’autre. »

Walid a déclaré : « Partons dans l’enceinte de la Ka’bah et annonce publiquement que tu renies ma protection tout comme j’avais annoncé publiquement que je te l’avais accordée. »

Tous les deux sont partis dans l’enceinte de la Ka’bah et Walid a déclaré : « Voici ‘Outhmān qui renonce à ma protection et qui l’annoncera au grand public ! »

‘Outhmān a annoncé : « Il dit la vérité. Il a certainement tenu sa promesse et m’a honoré de sa protection. Or à présent je souhaite jouir uniquement de la protection d’Allah. C’est pour cette raison que je renonce à la protection de Walid. »

Sur ce Walid est rentré.

J’ai évoqué l’immigration en Abyssinie en mentionnant différents compagnons. Je présente brièvement ce que Mirza Bashir Ahmad Saheb a écrit à ce propos en citant diverses sources historiques.

Il déclare : « Quand la souffrance des musulmans a atteint son apogée et que la persécution des Qouraychites a pris de l’ampleur, le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) a demandé à ceux qui en avaient les moyens de migrer en Abyssinie en ajoutant que son roi est juste et que personne n’est persécuté dans son royaume. Le pays de Habsha, connu comme l’Éthiopie ou l’Abyssinie, est situé au nord-est du continent africain : l’Arabie méridionale se trouve exactement à l’opposé et les deux pays sont séparés par la mer Rouge. Il existait en ce temps-là en Abyssinie un état chrétien fort puissant dont le roi portait le titre de Négus. Ce titre est d’ailleurs en usage jusqu’à présent. (C’est-à-dire à l’époque où l’auteur avait écrit cela.)

L’Arabie entretenait des relations commerciales avec ce pays. Le nom propre du Négus de l’époque était Achamah, un roi réputé pour son équité, son intelligence et sa puissance. Quand les malheurs des musulmans se sont aggravés, le Saint Prophète a demandé à ceux qui en avaient les moyens de migrer en Abyssinie. Au cours du mois de Rajab, en la cinquième année de son prophétat, onze hommes et quatre femmes ont émigré en Abyssinie sous les directives de l’Envoyé divin. Ils se nommaient entre autres : ‘Outhman bin ‘Affan et son épouse Rouqayyah, la fille du Saint Prophète ; ‘Abdour-Rahmān bin ‘Auf, Zubair bin Al-‘Awwām, Abou Houdhaifah bin ‘Outbah, ‘Outhmān bin Maz’oun, Mous’ab bin ‘Oumair, Abou Salamah bin ‘Abdil-Asad et sa femme Oumm Salamah. Il est fort étrange que la majorité de ces premiers immigrants appartenaient à de puissantes tribus des Qouraychites : rares étaient ceux issus des couches faibles. Ceci démontre deux choses : premièrement, même ceux qui appartenaient aux puissantes tribus de La Mecque n’étaient pas à l’abri des cruautés des Qouraychites. Deuxièmement, les faibles, à l’instar des esclaves, étaient dans un tel dénuement qu’ils ne pouvaient même pas s’exiler. »

Hazrat Mouslih Maw’oud a relaté cet incident selon son style particulier. Il relate la protection dont jouissait ‘Outhmān bin Maz’oun à La Mecque et le fait qu’il avait renoncé à la protection de Walīd bin Mughīra.

Il commente que lorsque la tyrannie fut à son comble, le Saint Prophète(s.a.w.) rassembla ses fidèles et, pointant un doigt vers l’ouest, leur parla d’un pays de l’autre côté de la mer où l’on ne tuait pas les hommes à cause de leur nouvelle foi, où l’on pouvait adorer Dieu sans être molesté et où il y avait un roi juste. Qu’ils y aillent donc ; peut-être le changement leur apporterait-il un soulagement. Un groupe de musulmans, hommes, femmes et enfants, agissant sur son conseil, se rendit en Abyssinie.

Or, s’exiler de La Mecque n’était pas chose ordinaire. Quitter sa patrie était une déchirure émotionnelle.

Les Mecquois se considéraient les gardiens de la Ka‘bah. Quitter La Mecque était pour eux un grand malheur, et aucun d’entre eux ne pouvait s’y résoudre, à moins que la vie ne fût devenue impossible pour lui. Leur exil était un événement très tragique. D’ailleurs ils ont dû le faire secrètement, car ils savaient que les Mecquois n’étaient pas prêts à les laisser s’échapper. Le groupe n’a même pas pu souhaiter adieu à leurs parents et amis. Ils vivaient une [véritable] tourmente ; et même ceux qui les voyaient partir ne pouvaient qu’être émus en raison de leur souffrance.

Les non-musulmans qui savaient qu’ils s’exilaient étaient aussi touchés.  

‘Oumar(r.a) était encore un incroyant, ennemi juré et persécuteur des musulmans. Tout à fait par hasard, il rencontra quelques membres de cette expédition, dont une femme, Oumm ‘Abdillāh. Lorsqu’il vit des objets de ménage chargés sur des animaux, il comprit immédiatement qu’il s’agissait d’un groupe qui quittait La Mecque pour aller chercher refuge ailleurs. « Est-ce que vous partez ? », demanda-t-il. « Oui, Dieu nous est témoin », répondit Oumm ‘Abdillāh(r.a), « nous allons vers un autre pays car vous nous traitez trop cruellement ici. Et nous ne reviendrons plus jusqu’à ce qu’il plaise à Allah de faciliter notre retour ». Oumm ‘Abdillah relate qu’Oumar(r.a) fut impressionné et dit : « Dieu soit avec vous ». Sa voix vibrait d’émotion. Cette scène silencieuse l’avait troublé en dépit du fait qu’il fût un adversaire des musulmans à l’époque.

« En disant « Dieu soit avec vous » sa voix vibrait d’une émotion que je n’avais jamais entendue. Et ‘Oumar se détourna et s’en alla. J’ai ressenti que l’incident l’avait rendu très triste. »

 Lorsque les Mecquois vinrent à apprendre la nouvelle, ils envoyèrent une expédition à leur poursuite. Ce groupe alla jusqu’à la mer, seulement pour apprendre que les musulmans s’étaient déjà embarqués. Dans l’impossibilité de les rattraper, ils décidèrent d’envoyer une délégation en Abyssinie afin de dresser le roi contre les réfugiés et de le persuader de les remettre aux mains des Mecquois.

La délégation se rendit donc en Abyssinie, rencontra le roi et intrigua auprès de sa cour. Mais le roi se montra très ferme et, malgré la pression des Mecquois et celle de ses propres courtisans qui étaient sous l’influence des Mecquois, le roi refusa de remettre les réfugiés musulmans aux mains de leurs persécuteurs. La délégation rentra déçue mais, à La Mecque, on pensa bientôt à un autre moyen de forcer le retour d’Abyssinie des musulmans.

On fit courir le bruit, parmi les caravanes qui se rendaient en Abyssinie, que toute La Mecque avait embrassé l’islam. Lorsque cette rumeur leur parvint, de nombreux réfugiés musulmans retournèrent à La Mecque tout contents, seulement pour y constater que la rumeur n’était qu’un leurre. Quelques-uns d’entre eux repartirent en Abyssinie, mais les autres décidèrent de rester. Parmi ces derniers se trouvait ‘Outhmān bin Maz‘oun(r.a), fils d’un des plus puissants chefs mecquois.

‘Outhmān(r.a) reçut la protection d’un ami de son père, Walīd bin Mughīra, et commença à vivre en paix. Mais lorsqu’il vit que les autres musulmans continuaient à être brutalement persécutés, cela le rendit très malheureux. Etant un jeune homme honorable, il alla voir Walīd et lui dit qu’il renonçait à sa protection, car il ne se sentait pas digne d’en bénéficier pendant que d’autres musulmans continuaient à souffrir. Walīd en fit l’annonce aux Mecquois.

Un jour, Labīd, poète honoré de l’Arabie, était assis parmi les chefs de La Mecque et récitait des vers. Il lut un vers qui signifiait que toutes les grâces auraient une fin. ‘Outhmān(r.a) le contredit hardiment en disant : « Les grâces du Paradis seront éternelles. » Labīd, qui était un grand notable, perdit patience et dit : « Qouraychites, vos hôtes n’étaient pas insultés de cette façon autrefois. D’où vient cette nouvelle mode ? » Pour apaiser Labīd, un homme de l’assistance se leva et dit : « Continue et ne fais pas attention à ce fou. » ‘Outhmān(r.a) insista sur le fait qu’il n’avait rien dit à la légère. Ceci exaspéra le Qoraïchite qui bondit sur ‘Outhmān(r.a) et lui porta un tel coup qu’il lui creva un œil ou l’enfla. Walīd assistait à la scène. Ayant été ami intime du père de ‘Outhmān(r.a), il ne put supporter que l’on traitât ainsi le fils de son défunt ami. Mais puisque ‘Outhmān(r.a) n’était plus sous sa protection officielle et que la coutume arabe lui interdisait de prendre parti, il ne put rien faire. Mi-courroucé, mi-angoissé, il se tourna vers ‘Outhmān(r.a) et lui dit : « Fils de mon ami, tu aurais épargné ton œil si tu n’avais pas renoncé à ma protection puissante. Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même ». ‘Outhmān(r.a) répondit : « J’attendais ce moment. Je ne me lamente pas sur la perte d’un œil, car l’autre attend le même sort. L’exemple du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) me suffit. Tant que le Saint Prophète(s.a.w.) souffre, nous ne voulons pas de paix. Le soutien d’Allah me suffit. »

Je mentionne ici l’incident entre ‘Outhmān bin Maz’oun et le fameux poète arabe Labid Bin Rabi’a consigné dans les recueils de l’histoire.

Le grand poète arabe était dans une réunion des Qouraychites ainsi qu’Outhmān. Labid a cité ce vers : « Hormis Allah tout est vain ! » ‘Outhmān a répondu : « Tu dis vrai ! » Labid a continué : « Or toutes les faveurs sont vouées à disparaître. » ‘Outhmān a répliqué : « Ceci est faux ! » Les gens ont regardé dans la direction d’Outhmān et ont demandé à Labid de reprendre son couplet. ‘Outhmān a de nouveau confirmé le premier vers et a répudié le deuxième en disant que les faveurs du paradis ne connaîtront pas de fin. Labid a annoncé : « Ô Qouraychites ! Naguère il n’y avait pas pareille effronterie dans vos séances ! » Un sot dans l’assistance s’est tenu debout et a donné un coup de poing ou une claque à ‘Outhmān sur l’œil : celui-ci est devenu bleu ou s’était tuméfié.

Les gens de l’assistance ont déclaré : « Ô ‘Outhmān ! Tu jouissais d’une forte protection et ton œil était à l’abri de cette blessure. »

‘Outhmān a répondu : « La protection d’Allah est meilleure et plus honorable. Mon deuxième œil souhaite aussi souffrir de la même façon. Il m’incombe de suivre le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) et ses suivants.

Walid lui a demandé : « En quoi ma protection te faisait-elle souffrir ? » ‘Outhmān a répondu : « J’ai besoin de celle d’Allah et de personne d’autre. »

Telle était la foi de ces personnes. Ils ressentaient une douleur pour leurs amis : pourquoi devrait-il jouir de la protection [des autres] quand leurs compagnons étaient en train de souffrir. En raison de l’amour qu’il éprouvait pour le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.), il ne voulait pas que ce dernier souffrît tandis qu’il vivait en paix. Il souffrait en voyant la grande persécution que subissaient les compagnons.

Hazrat Mouslih Maw’oud déclare : « ‘Outhmān bin Maz’oun avait offert cette réponse car il avait entendu et lu le Coran ainsi que les enseignements de l’islam. À ses yeux les poèmes n’avaient plus grande importance. Voire lorsque Labid embrassa l’islam, il adopta la même position. Un jour le Calife ‘Oumar demanda à un gouverneur de lui envoyer les tout nouveaux vers composés par les poètes les plus fameux. Labid avait déjà embrassé l’islam à l’époque et il envoya quelques versets du Coran.

L’épisode suivante démontre l’amour et l’affection qu’éprouvait le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) à l’égard d’Outhmān bin Maz‘oun. Quand ‘Outhmān décéda, le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) l’embrassa et il avait des larmes aux yeux. Quand Ibrahim, le fils du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.), décéda l’Envoyé d’Allah déclara devant sa dépouille : « Il est parti en compagnie de mon vertueux ami ‘Outhmān bin Maz‘oun. »

Ci-dessous est le récit de l’immigration d’Outhmān bin Maz’oun à Médine. Il était accompagné de Qoudama Bin Maz‘oun, d’Abdoullah Bin Maz’oun et de Sa’ib Bin Outhmane ; ils logèrent chez ‘Abdoullah Bin Salma al-Ajlani quand ils arrivèrent à Médine. Selon un autre récit ils auraient logé chez Hizam Bin Wadia.

Muhammad Bin ‘Oumar al-Waqidi relate que tous les hommes et les femmes de la famille Maz’oun avaient immigré à Médine et aucun des leurs n’était resté à La Mecque. Oumm A’la relate que lorsque le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) et les émigrants arrivèrent à Médine, les Ansars souhaitaient qu’ils logèrent chez eux. Ils tirèrent au sort et ‘Outhmān bin Maz’oun se retrouva chez Oumm A’la.

Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) avait établi un lien de fraternité entre ‘Outhmān bin Maz’oun et Abou Haytham Bin Tayyihan. ‘Outhmān avait émigré à Médine et il avait participé à la bataille de Badr. Il était le plus fervent adorateur ; il jeûnait durant la journée et veillait la nuit en prière. Il réprimait ses désirs et se tenait à l’écart des femmes. Il avait demandé la permission au Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) d’abandonner le monde et de se castrer. Mais l’Envoyé d’Allah le lui a interdit. Ces faits sont mentionnés dans l’ouvrage Ousoud al-Ghaba.

On rapporte que la femme d’Outhmān bin Maz’oun se rendit un jour chez les épouses bénies du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). Ces dernières constatèrent que l’épouse d’Outhmān était complètement négligée, portant des vêtements sales et avait les cheveux ébouriffés. Elles lui demandèrent : « Pourquoi es-tu dans cet état ? Pourquoi ne pas se soigner ? Ton mari est l’homme le plus riche des Qouraychites et les moyens ne te manquent pas. Tu dois te soigner ! » L’épouse d’Outhmān répondit aux épouses du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) réunies là-bas : « Je n’ai aucun droit sur les biens que possède ‘Outhmān parce qu’il ne ressent aucun sentiment à mon égard. Il passe la nuit à adorer Dieu et me néglige et il jeûne durant la journée. »

Quand le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) rentra ses épouses lui racontèrent les propos de la femme d’Outhmān. Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) demanda à ce dernier lorsqu’il le rencontra : « Est-ce que je ne te suffis pas comme exemple ? » ‘Outhmān répondit : « Que mes parents soient sacrifiés pour vous ! Je tente de suivre votre exemple à la lettre. » Sur ce le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) répondit : « Tu jeûnes pendant toute la journée et tu passes la nuit à adorer Dieu. » ‘Outhmān commenta : « Certes, j’agis de la sorte. »

Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) conseilla : « N’agis pas de la sorte ! Tes yeux ont un droit sur toi. Ton corps aussi a un droit sur toi ainsi que tes proches. Ta femme et tes enfants ont des droits sur toi. Accomplis la Salat mais tu dois aussi dormir. Accomplis des prières facultatives durant la nuit mais tu dois aussi dormir. Accomplis des jeûnes facultatifs mais ne jeûne pas durant certains jours. »

C’étaient là les conseils que le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) prodigua à ‘Outhmān. Quelque temps après, la femme d’Outhmān se rendit de nouveau chez les épouses du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) : elle s’était parfumée et embellie comme une nouvelle mariée. Les épouses du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) commentèrent sur son apparence soignée et l’épouse d’Outhmān répondit : « J’ai acquis aussi ce que les autres possèdent. » C’est-à-dire que son mari lui donnait désormais de l’attention.

‘Aïcha relate ceci à ce propos. « Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) fit venir ‘Outhmān bin Maz’oun et lui demanda : « Se pourrait-il que tu n’apprécies pas ma méthode ? »

Il répondit : « Non, ô Envoyé d’Allah ! Je cherche uniquement à suivre votre exemple. »

Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) déclara : « Je dors et je prie. Je jeûne et des fois je ne jeûne pas. Je me suis marié. Ô ‘Outhmān, aie la crainte d’Allah, tu as des devoirs à l’égard de ta femme, de ton invité et de ton propre être. Jeûne occasionnellement, fais tes prières et dort également. »

Hazrat Mirza Bashir Ahmad Saheb a déclaré en se référant au Boukhari : « Sa’d bin abi Waqqas a rapporté : ‘Outhmān bin Maz’oun a demandé l’autorisation au Saint Prophètesa de se séparer complètement de ses femmes, une chose qu’il ne lui accorda pas ; et s’il l’avait permis nous étions également prêts à le faire : nous aurions tout mis en œuvre pour nous castrer afin de supprimer nos désirs. »

Je vais présenter la traduction de ce hadith du Boukhari : « Sa’d bin Waqqas rapporte que ‘Outhmān bin Maz’oun demanda l’autorisation au Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) d’abandonner le monde, et que celui-ci avait refusé de la lui accorder. »

Il s’agit d’un hadith recueilli dans le chapitre Al-Nikah de Sahih Al-Boukhari, et il est également écrit comme mentionné précédemment : « S’il en avait donné l’autorisation, nous aurions peut-être tous coupé les liens avec ce monde. »

Ensuite Mirza Bashir Ahmad Saheb ajoute : « ’Outhmān bin Maz‘oun faisait partie de la tribu de des Banou Joumah. Il était de nature soufie ; il s’était interdit de boire de l’alcool et ce depuis l’époque de l’ignorance. Après avoir embrassé l’islam il a voulu abandonner ce monde entièrement. Mais le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) l’avait défendu de ce faire en disant que l’islam interdit le monachisme. L’islam enjoint de profiter des bienfaits de ce monde, et de ne pas oublier Allah le Très-Haut ; il faut toujours garder Allah l’Exalté à l’esprit.

Qoudamah bin Maz’oun rapporte : « ‘Oumar bin al-Khattab croisa ‘Outhmān bin Maz’oun alors que les deux se trouvaient sur leur monture. Ils se sont rencontrés dans la vallée d’Assia, qui se trouve sur la route de Jahfah après Dhoul Houlayfa à environ 100km de Médine.

La chamelle d’Oumar se pressa contre celle d’Outhman. Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) se trouvait loin devant, en avant du cortège. ‘Outhmān bin Maz’oun s’exclama : « Ya Ghalq al-Fitna ! Tu m’as causé du tort. » Lorsque les montures s’arrêtèrent, ‘Oumar bin al-Khattab vint auprès de lui, et lui demanda : « Ô Père de Sa’ib (il s’adressa à ‘Outhmān bin Maz‘oun) Qu’Allah te pardonne ! Par quel nom m’avais-tu appelé ? Tu m’as appelé Ghalq al-Fitna. » Sur ce il répondit : « Non, je jure au nom de Dieu que je n’ai pas choisi ce nom pour toi ! C’est le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) qui t’avait donné ce nom. » Le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) était à ce moment en avant du cortège et ‘Outhmān bin Maz’oun ajouta : « Il est en avant, tu peux lui demander. » 

Cet événement est rapporté par Outhmanra comme suit : « Un jour il (‘Oumar) passa près de nous alors que nous étions assis en compagnie du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.), qui déclara : « Cet homme est Ghalq al-Fitna (c’est-à-dire un bouclier contre le désordre). » Le pointant de son doigt, il ajouta : « Entre vous et le désordre se trouvera une porte qui restera solidement fermée tant que cet homme restera vivant parmi vous. » C’est-à-dire que tant qu’Oumar sera en vie, aucun trouble n’affectera l’islam, et c’est ce dont témoigne l’histoire. Les troubles ont commencé par la suite.

Je vais également présenter ici une version détaillée de cette anecdote lorsque ‘Outhmān bin Maz’oun avait appelé Oumar bin al-Khattab, Ghalq  al-Fitna.

Houdhaifa déclare : « Nous étions assis auprès d’Oumarra, qui demanda : « Qui d’entre vous se souvient des paroles du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.) au sujet du désordre ? » Je répondis : « Moi, je me souviens exactement des paroles du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). » ‘Oumarra répondit : « Tu fais preuve d’une grande hardiesse dans ce que tu rapportes. » C’est-à-dire qu’il faisait preuve d’une grande confiance et il osait rapporter les paroles. Il ajoute : « Je répondis : « L’homme est éprouvé par son épouse, par son argent, par ses enfants, et par ses voisins. La prière, le jeûne, la charité, et le fait de se préserver des mauvaises actions éloignent ces épreuves. » ‘Oumar répondit : « Je ne fais pas référence à cela, mais aux troubles qui se propageront telles les vagues de la mer. Un terrible trouble atteindra la communauté. » Houdhaifa répondit : « Vous n’en serez nullement affecté, car une porte hermétique vous en protège. » Il lui dit qu’il ne serait pas impacté par ce trouble qui va naître.

‘Oumarra répondit : « Sera-t-elle brisée ou sera-t-elle ouverte ? » [Rappelons que] le Saint Prophètesa avait mentionné qu’il se trouve entre les deux une porte fermée. ‘Oumarra demanda : « Cette porte sera-t-elle brisée ou ouverte ? » Il répondit : « Elle sera brisée. » Oumarra répondit : « Elle ne se refermera donc jamais. » Si on ouvre une porte, il est possible de la refermer, mais si une porte est détruite il est très difficile de la refermer. Sur ce, ‘Oumarra répondit : « Cette porte ne sera jamais fermée. Si les fléaux frappent ils se succéderont. » Nous voyons effectivement que ces fléaux se déversent de plus en plus sur la communauté musulmane. Des troubles naissent de jour en jour. On l’a constaté lors du califat d’Outhmanra , d’Alira et après eux ; et jusqu’à ce jour ces fléaux sévissent parmi les musulmans : ils s’entre-tuent et ils ne veulent pas se réfugier derrière ce mur qu’Allah l’Exalté a dressé à cette époque par l’intermédiaire du Messie Promis (a.s.) pour refermer cette porte. C’est pour cette raison que ces troubles s’amplifient. Qu’Allah nous en protège également, et nous permette de nous réfugier derrière ce bouclier qu’Allah nous a offert par l’entremise du Messie Promis (a.s.) et d’être derrière ce mur. Oumar déclara : « Ce désordre ne prendra jamais fin. » Les gens qui étaient assis dans l’assemblée demandèrent à Houdhaifa qui était le rapporteur : « ‘Oumarra savait-il en quoi consistait cette porte ? » Houdhaifa répondit : « Oui. Il le savait, aussi bien qu’il savait que la nuit précède le jour (c’est-à-dire avec certitude). » ‘Oumarra savait que des fléaux s’abattraient sur les musulmans après lui.

‘Outhmān bin Maz’oun était le premier parmi les émigrants à rendre l’âme à Médine. Il est décédé en l’an 2 de l’hégire. Certains rapportent qu’il est décédé 22 mois après la guerre de Badr, et c’était la première personne à être enterrée dans la Jannat al-Baqi’.

Il existe d’autres informations à son sujet que je mentionnerai plus tard, Incha Allah.


(Le site www.islam-ahmadiyya.org prend l’entière responsabilité de la publication du texte de ce sermon)

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