Sermons 2013

La crise en Syrie – sermon du 13-09-2013

Sermon du vendredi délivré par Sa Sainteté le Calife, Hadrat Mirza Masroor Ahmad, chef spirituel de la Communauté Islamique Ahmadiyya Internationale,le 13 septembre 2013.

« J’atteste que nul n’est digne d’être adoré hormis Allah, l’Unique, sans associé ; et j’atteste aussi que Muhammad(s.a.w.) est Son serviteur et messager.

Je cherche refuge en Allah contre Satan, le rejeté.

Au Nom d’Allah, le Gracieux, le Miséricordieux. »

Sa Sainteté récite ensuite la sourate Al-Fatihah, premier chapitre du Coran, puis déclare :

« La situation dans le monde se détériore à une vitesse accélérée ; et en particulier l’état des choses en Syrie – et non seulement en Syrie mais dans le reste du monde arabe – risque d’entraîner une dévastation énorme. Si jamais des forces étrangères devaient s’immiscer dans le conflit syrien, le monde arabe ne serait pas le seul à subir des pertes immenses ; des pays d’Asie en feraient les frais eux aussi. Ni les gouvernements arabes ni les autres pays (dont, notamment, les superpuissances) ne semblent vouloir faire l’effort de comprendre que ce conflit ne se limitera pas à la Syrie mais a le potentiel de devenir le précurseur d’une guerre mondiale.

Il incombe aux musulmans ahmadis – ceux qui, en tant que suivants du plus fervent adepte du Messager d’Allah, Muhammad(s.a.w.), ont pour tâche de ramener le monde à Dieu et d’instaurer la paix et la fraternité sur terre – oui, il nous incombe à nous, les ahmadis, de nous concentrer avec grande ferveur sur des prières pour sauver le monde de la destruction. Hormis la prière, nous n’avons aucun moyen de sauver le monde de l’annihilation. Pour ce qui est des moyens matériels, nous pouvons, bien entendu, essayer d’attirer l’attention du monde et en particulier des grandes puissances sur les résultats effroyables qui en découleront ; et cela, dans une certaine mesure, nous le faisons déjà. En effet, j’ai continué, dans la mesure du possible, à mettre en garde les politiciens et les gouvernements. Les membres de la Communauté [Ahmadiyya] ont eux aussi disséminé ce message à grande échelle dans différents pays du monde. Ces leaders et politiciens déclarent haut et fort que notre message est sans doute le besoin du moment, et ils nous assurent que nous avons leur soutien sans faille. Toutefois, lorsque se présente l’occasion de traduire ce soutien par des actions concrètes, ne voilà-t-il pas que les priorités des grandes puissances changent complètement. Quoi qu’il en soit, comme je l’ai dit, il s’agit là d’efforts matériels. Quelle que soit la tâche, notre arme réelle, la seule qui puisse nous attirer la grâce de Dieu, n’est autre que la prière. Il est de toute urgence, vu l’état des choses, que les ahmadis concentrent leur attention particulière sur la prière. Nous devons prier que l’humanité en général et le peuple de l’Islam en particulier soient sauvés de l’anéantissement.

En 1925, soit environ quatre-vingts huit ans de cela, le Muslih Maw’ud (le deuxième Calife de l’Ahmadiyya) – qu’Allah soit content de lui – n’avait-il pas déclaré dans un sermon s’adressant à la situation d’alors en Syrie que l’histoire de Damas est très ancienne. Avant l’avènement de l’Islam, cette ville était le centre de plusieurs religions, ou du moins leur était d’une grande importance. Cette ville demeura pendant longtemps la capitale du monde islamique. Il s’y trouvait des choses qui perpétuaient la mémoire de la plupart des anciennes religions.

Baitul-Futuh-Entree

Le Muslih Maw’ud – qu’Allah soit content de lui – avait donc délivré un sermon en 1925, comme je l’ai dit, ayant pour thème Damas et la Syrie. La raison de ce sermon, dit-il, était la situation née de la révolte autonomiste des Druzes (un peuple local), une révolte à laquelle s’étaient joints les musulmans. Si les Druzes étaient un peuple montagnard, les musulmans, quant à eux, habitaient les villes. Ils se sont joints à ce mouvement à l’époque de l’administration française. Selon son analyse, l’administration gouvernementale était entre les mains des Français, bien qu’il s’y trouvât aussi d’autres gouvernants, dont notamment les muftis ou imams, mais il n’en demeure que le pouvoir politique appartenait aux Français. Les dirigeants parmi les muftis avaient, quant à eux, le dernier mot en matière d’autorisation pour la publication de livres religieux ; en effet, lorsqu’un mufti avait pris sa décision sur de telles matières, même le gouverneur ne pouvait la contester. Pour illustrer cela, le Muslih Maw’ud a donné l’exemple suivant. La Communauté Ahmadiyya avait obtenu l’autorisation du gouverneur d’imprimer des livres ; cela n’empêcha pas le mufti d’en interdire la mise en circulation – et la presse en a fait état. Une plainte fut déposée devant le gouverneur, mais celui-ci se déclara impuissant devant la décision du mufti.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement était entre les mains de la France, et toute révolte politique était violemment réprimée. Or, à la révolte indépendantiste menée alors par les gens du pays, la France avait réagi par un sévère bombardement aérien de Damas. L’on rapporte que les bombes continuèrent à pleuvoir sur la ville pendant 57 à 58 heures, réduisant son histoire, ses bâtiments historiques, à un amas de décombres, et faisant des milliers de morts. Pourquoi cette ville fut-elle détruite, et pourquoi ces gens furent-ils tués ? C’était tout simplement parce qu’ils voulaient se libérer de l’occupation étrangère.

L’une des révélations divines reçues par le Messie Promis(a.s.) (le fondateur de la Communauté Islamique Ahmadiyya), à savoir : بلاء دمشق « Le fléau de Damas », s’était réalisée, selon le Muslih Maw’ud, par la situation affreuse de Damas, par ce bombardement aérien qui y détruisit tous les bâtiments historiques, voire l’histoire même de toutes les religions. En effet, jamais Damas n’avait connu plus terrible fléau ou dévastation plus grande. Tel que je l’avais mentionné, cette destruction fut infligée par des forces étrangères, plus précisément par la France. Il faut savoir entre parenthèse que certaines prophéties ont la particularité de se réaliser plus d’une fois.

Ce fléau infligé par des étrangers, cette destruction de la ville, se poursuivit pendant 57 à 58 heures d’affilée, faisant, selon d’aucuns, deux mille victimes, et selon d’autres, vingt mille. Sans doute sept à huit mille morts seraient une estimation prudente. L’on peut dire qu’au moins le fléau fut alors infligé par des étrangers ; or combien malheureux est-il de constater que le fléau survenu aujourd’hui est cette fois auto-infligé, causant des dégâts depuis environ deux ans et demi à Damas et ailleurs en Syrie. En fait, toute le Syrie est sous l’emprise de ce désastre. Le bilan, selon des estimations avisées, s’élèverait à cent mille morts, mais d’aucuns estiment que le chiffre serait, en réalité, bien plus important. Les réfugiés se chiffrent désormais dans les millions. Demeures et marchés sont en ruine ; le palais présidentiel, les aéroports, différents bâtiments et immeubles, ont tous été touchés par des bombardements à l’artillerie lourde. En d’autres termes, personne n’est à l’abri.

Les soldats du gouvernement massacrent les civils, et les civils tuent les agents de l’Etat, parmi lesquels se trouvent des soldats. Les alaouites et les sunnites s’entretuent. Or, tout ce beau monde prétend faire la même déclaration de foi islamique…

Quant à ceux qui sont opposés au gouvernement – la plupart desquels sont sunnites – et qui luttent pour la libération [politique], ils ont désormais été rejoints par des groupes terroristes qui prétendent vouloir les aider. Seul le temps dira quels dégâts seront infligés sur le pays par ces factions terroristes.

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L’on doit dire avec regret que ce fléau est en train de prendre une tournure de plus en plus alarmante. Ces gens ne réalisent pas que les cruautés et les batailles que s’infligent réciproquement le peuple – au nom de la libération – et le gouvernement – au nom du rétablissement de la sécurité et de l’ordre public – sont en train de les affaiblir à tel point que les grandes puissances – au nom de l’instauration de la liberté, de l’enrayement de la violence et du rétablissement de l’ordre – sont désormais prêtes à agir pour servir leurs intérêts égoïstes. Ces grandes puissances ne savent pas que de tels agissements sont de nature à plonger le monde entier dans l’abîme de la destruction. D’un côté, il y a des gouvernements puissants ainsi que des gouvernements de la région voisine qui soutiennent ou aident le gouvernement syrien ; de l’autre, les opposants du gouvernement sont soutenus par différents gouvernements. En fait, la plupart des grandes puissances sont avec eux. Comme je l’avais dit, cette situation prend désormais une tournure on ne peut plus inquiétante.

Combien malheureux sont les nations islamiques qui prétendent agir selon les enseignements au sujet desquels Dieu a dit qu’ils sont désormais arrivés au sommet de la perfection ; ces nations se disent être de l’Ummah, cette communauté que Dieu a appelée « meilleur des peuples ». Aujourd’hui, que font-elles de bien, ces nations musulmanes ? Elles ont perdu tout sens de miséricorde ou de compassion ; elles ne pratiquent plus rien de l’enseignement [islamique] ; elles n’ont plus aucun sens de l’honneur et n’hésitent pas à demander de l’aide auprès des non musulmans – et de surcroit, cette aide sera utilisée pour massacrer leur propre peuple.

Or, que préconise le Coran pour des situations où deux groupes se font la guerre ? Voici ce que Dieu dit à ce propos :

وَإِنْ طَائِفَتَانِ مِنَ الْمُؤْمِنِينَ اقْتَتَلُوا فَأَصْلِحُوا بَيْنَهُمَا فَإِنْ بَغَتْ إِحْدَاهُمَا عَلَى الْأُخْرَى فَقَاتِلُوا الَّتِي تَبْغِي حَتَّى تَفِيءَ إِلَى أَمْرِ اللَّهِ فَإِنْ فَاءَتْ فَأَصْلِحُوا بَيْنَهُمَا بِالْعَدْلِ وَأَقْسِطُوا إِنَّ اللَّهَ يُحِبُّ الْمُقْسِطِينَ

« Et si deux groupes de croyants se font la guerre, faites la paix entre eux ; puis, si par la suite l’un des deux transgresse contre l’autre, combattez le groupe transgresseur, jusqu’à ce qu’il retourne au commandement d’Allāh. S’il y retourne, alors faites la paix entre eux avec équité, et agissez avec justice. En vérité, Allāh aime les hommes équitables. » (Le Saint Coran, chapitre 49, verset 10)

Allah dit donc qu’il s’agit d’effectuer une réconciliation en toute justice et d’être équitable. Dieu a par ailleurs élevé le barème de la justice jusqu’à un niveau très haut, car Il a dit dans un autre verset : Ne laissez pas l’hostilité d’un peuple vous empêcher d’agir avec justice. Si les musulmans préfèrent l’amour d’Allah aux désirs mondains, il leur faudra être équitables entre eux, et être justes même envers des peuples ennemis. Voilà, dit Allah, ce qui sera هُوَ أَقْرَبُ لِلتَّقْوَى la façon d’agir la plus en consonance avec la taqwa (la piété et la crainte révérencielle de Dieu). Or, justement, le musulman est constamment enjoint de rechercher la taqwa.

N’est-il pas honteux qu’une proposition faite par le Président d’Israël aurait dû en réalité être faite aux grandes puissances par les musulmans eux–mêmes ? Admettons que cette idée n’ait pas effleuré pas l’esprit des nations musulmanes ou de leurs leaders. Cela n’enlève rien au fait que, lorsque le Président d’Israël fit cette proposition aux grandes puissances, la ligue islamique mondiale ait pu émettre un communiqué déclarant ce qui suit : « Quels que soient les conflits dans notre région, nous nous en occuperons nous-mêmes, surtout dans les endroits où habitent nos coreligionnaires. Nous croyons au même Dieu, et au même Prophète, et nous agissons selon les enseignements du même Livre qui est notre guide en ce monde. Si des conflits surviennent entre nous, ou si au sein d’un de nos pays deux sectes se battent entre elles, ou encore le peuple et le gouvernement se font la guerre, nous utiliserons nos enseignements parfaits pour résoudre ces problèmes. Si l’un des partis opposés se rebelle [contre notre autorité collective], et au cas où nous aurions besoin d’une aide étrangère pour apaiser la rébellion, cette aide sera seulement de nature technique ou sous forme d’armements. Toutefois, nous aurons notre propre stratégie, et les intervenants y seront aussi les nôtres. »

Si une telle vision existait chez les nations musulmanes, les puissances étrangères n’oseraient même pas lorgner vers elles. Quel intérêt des nations puissantes assises à des milliers de kilomètres de là pourraient-elles avoir en ces pays, si ce n’est le désir de s’accaparer les ressources de ces derniers, ou encore, par leur contrôle de petits pays rongés par des conflits, de démontrer leur suprématie sur des puissances rivales ? Cela dit, il n’en demeure pas moins que c’est l’asthénie des pays musulmans et le fait qu’ils oublient leurs principes islamiques qui enhardissent les puissances étrangères au point où l’une d’entre elles ose annoncer ceci : « Quand bien même les Nations Unies n’autorisent pas une attaque sur la Syrie, nous la lancerons de toute façon. Nous y avons parfaitement droit ! »

Pour appuyer cette annonce, ils avancent une raison tout à fait enfantine : « Les Nations Unies n’ont pas le droit de nous dicter notre politique étrangère ! » Mais comment cette situation est-elle devenue une question de politique étrangère ? Il est un fait que lorsque l’inimitié dépasse toutes limites, les yeux deviennent voilés, et alors même des gens éduqués se mettent à tenir des propos incohérents. Ils ont tout l’air d’être des gens intelligents, mais ils parlent comme des gens incultes.

Vous êtes assis à des milliers de kilomètres d’ici ; vous n’avez rien à voir avec cette affaire. L’Organisation des Nations Unies est la seule concernée, car ces gens ont accepté les engagements en tant que signataires de la Charte des Nations Unies. L’Organisation des Nations Unies n’a établi aucun pacte individuel au profit d’une seule nation ni ne fait-elle de transactions avec un pays ou un autre. Par ailleurs, un conflit à l’intérieur des frontières d’un pays ne peut pas directement menacer un autre pays. Comment peut-on dire que tout ceci est une question de politique étrangère ? En tous cas, je ne comprends pas cette rhétorique. En réalité, il s’agit là tout simplement d’antagonisme, d’outrecuidance, et d’une tentative répréhensible d’établir sa suprématie sur autrui. En tous cas, ce n’est pas cette façon d’agir qui amènera la paix dans le monde. La paix naît du respect de toutes les exigences de la justice absolue, et dans ce cadre, aucun principe ne peut dépasser en beauté l’enseignement islamique, à savoir que « même l’hostilité d’un peuple ne doit jamais vous empêcher d’être équitables. » J’ai maintes fois attiré l’attention des dirigeants du monde sur ce point.

En outre, la paix mondiale peut être instaurée si l’on agit selon le principe énoncé dans le verset que j’avais cité tout à l’heure. Si l’ONU tentait d’établir la justice selon ce principe, la justice prévaudrait à coup sûr : c’est-à-dire que tous les pays fassent un effort concerté pour enrayer l’injustice à chaque fois qu’elle survient, et non pas qu’un pays jouisse d’un droit de véto, ou qu’un autre ait le droit de n’en faire qu’à sa tête. Tout ceci n’a absolument rien à voir avec la politique étrangère d’une nation quelconque.

Ensuite, ne voilà-t-il pas qu’une nation déclare qu’elle n’enverra pas de forces terrestres pour établir la paix en Syrie, et qu’elle se limitera à des attaques aériennes ! En d’autres termes, elle ne fera que réduire en ruine la capitale et voire même le pays, comme on l’avait fait autrefois. Elle ne fera que massacrer les innocents, les enfants, les femmes, comme on l’avait fait en Irak et en Lybie. Qu’ont-ils pu accomplir dans ces pays-là ? Espèrent-ils malgré tout l’accomplir dans ce pays-ci ? Des villes entières ont été réduites en poussière, et la paix n’y existe toujours pas.

Soit dit en passant, Dieu a suscité leur antidote de parmi eux-mêmes. Hier le premier ministre russe a déclaré dans un communiqué ou un article que les décisions unilatérales ne sont qu’injustice. Si l’objectif avait toujours été d’avoir la liberté de prendre des décisions unilatérales, alors, dit-il, pourquoi a-t-on créé l’ONU ? Il avança par ailleurs que si de tels agissements devaient se poursuivre, l’ONU connaîtrait le même sort que la Société des Nations. Et en cela, il a certes raison.

L’on a également renversé le gouvernement égyptien au nom des droits du peuple. L’on a déclaré que les droits du peuple sont bafoués et que le gouvernement, par souci de se préserver, massacre le peuple sans pitié. La réaction du gouvernement était certes incorrecte. Il n’en demeure pas moins que le gouvernement qui succéda au premier était composé d’extrémistes et de fous de Dieu. Les grandes puissances se sont alors demandées ce qu’il allait en advenir. Un journaliste écrivant pour un des plus importants journaux américains m’avait posé la question suivante : Quelles sont les chances pour la paix en Egypte après [tous ces événements] ?

En guise de réponse, je lui ai dit ceci : « Vous avez peut-être renversé le gouvernement pour consolider votre influence là-bas. Or, vous avez mal compris la situation. Ceux au pouvoir ne suivent ni vos désirs ni ceux du peuple, dont la majorité leur est opposée. Il y a une braise qui brûle encore, et vous verrez dans l’espace de quelques mois le sang couler comme la dernière fois. »

En fait, le sang commença à couler bien plus vite que je l’avais estimé. Les récents événements en Egypte sont encore présents à l’esprit.

Quelles que soient les raisons derrière l’agitation au sein des nations musulmanes – et il se peut qu’elles soient légitimes – toute ingérence des grandes puissances sera source de troubles. En début de 2011, j’avais fait deux ou trois sermons à ce sujet ; j’avais déclaré de façon on ne peut plus claire que dans l’état des choses chez les pays musulmans, quelles que soient les actions prises ouvertement, ou les stratégies mises au point secrètement, par les grandes puissances au nom de la paix, elles seront en définitive nocives pour les musulmans. Ces superpuissances ne permettront jamais que leurs intérêts soient menacés. Voyez comment elles ont soutenu le peuple après l’effusion de sang qui a eu lieu durant l’ère de Hosni Moubarak ; elles le firent renverser après une lutte intense véhiculée par une puissante propagande. Mais lorsque [ces grandes puissances constatèrent que] le gouvernement remplaçant ne se souciait guère de leurs intérêts, et quand celui-ci fut succédé par un gouvernement militaire, l’effusion de sang occasionnée par ce dernier fut plus grande encore, et personne ne sympathisa avec le peuple. Elles ne firent rien pour ces gens. Il s’agit là d’un double jeu et d’une discrimination.

Quoi qu’il en soit, les gouvernements des nations musulmanes devraient malgré tout démontrer un sens de l’honneur, mettant les intérêts de l’Ummah (le peuple de l’Islam) au-dessus de leurs propres intérêts. Cela n’aura lieu que lorsque la taqwa naitra dans le cœur : dans le cœur des dirigeants et dans le cœur du peuple. Cela n’aura lieu que lorsque les grandes déclarations d’amour pour le Prophète(s.a.w.) seront accompagnées d’efforts concrets de suivre son exemple. Je voudrais présenter quelques dires du Prophète(s.a.w.) eu égard à l’attitude que doivent adopter les gouvernants ainsi que les responsabilités qui leur incombent, et également celles qui incombent au peuple. Voyons tout d’abord quelques hadiths se rapportant aux dirigeants :

Abu Hurayrah(r.a.) rapporte que le Saint Prophète(s.a.w.) a dit : « Il y a sept catégories de personnes qu’Allah accueillera sous Son ombre au jour où il n’y aura aucune ombre sauf la Sienne… » Il dit ensuite que la première personne qui profitera de l’ombre de Dieu serait un dirigeant juste. L’on peut en juger l’importance de la justice.

Abu Sa’id(r.a.) rapporte quant à lui que le Saint Messager(s.a.w.) a dit : « Le plus aimé des gens auprès d’Allah le Jour de la Résurrection et le plus proche de Lui est un dirigeant juste. Le plus détesté des gens auprès d’Allah le Jour de la Résurrection et qui recevra le plus grand châtiment est un dirigeant injuste. »

Selon un autre hadith le Saint Prophète(s.a.w.) aurait dit ceci d’un dirigeant qui manque à son devoir envers le peuple, et ne s’investit pas pour assurer leur bien-être : « Allah interdit l’accès au Paradis à tout individu à qui Il a confié une communauté et qui meurt alors qu’il est malhonnête (envers la communauté). »

‘A’ishah(r.a.), quant à elle, a dit pour répondre à la question d’un visiteur : « Je vais vous dire ce que j’ai entendu le Prophète(s.a.w.) dire ici même (et il s’agit d’une prière) : « O Allah ! Celui qui reçoit autorité sur ma communauté puis est dur avec elle, sois dur avec lui ; et celui qui reçoit autorité sur ma communauté puis est doux avec elle, sois doux avec lui. »

Ces paroles donnent matière à réflexion aux dirigeants. S’ils souhaitent en effet profiter de l’ombre de la miséricorde divine – et s’ils se disent musulmans, ils nourriront certainement cet espoir – il leur faudra être justes et équitables. S’ils désirent être ceux qu’Allah aime, il leur faudra mettre fin à l’injustice, et ils devront s’élever bien au-dessus de leurs intérêts égoïstes avant de prendre des décisions. S’ils espèrent entrer au paradis, il leur incombera de vouloir le bien de tout un chacun sans distinction aucune, faute de quoi, leur destination, selon les dires du Saint Prophète (s.a.w.), sera l’enfer. Enfin, la prière qu’Allah soit dur envers le dirigeant qui est dur, et qu’Il soit doux envers le dirigeant qui est doux, est de nature à faire frissonner tout croyant sincère. Qu’Allah donne la sagesse à nos dirigeants musulmans, et qu’ils réfléchissent à ces paroles et les comprennent.

Quels commandements le Saint Prophète(s.a.w.) a-t-il donnés au peuple ? Quel comportement et quelle attitude ont-ils été enjoints d’adopter vis-à-vis leurs dirigeants ?

Zayd ibn Wahb rapporte qu’il a entendu ‘Abdullah ibn Mas‘ud(r.a.) dire que le Saint Prophète(s.a.w.) avait déclaré : « Vous verrez après moi des gens qui mettront leurs intérêts au-dessus des vôtres, et d’autres choses encore qui vous déplairont. » Les Compagnons de dire : « Que nous conseillez-vous donc de faire ? » Il dit : « Honorez leurs droits, et demandez vos droits à Allah. »

Il en découle que les manifestations, l’effusion de sang, et la reprise des droits par la violence ne sont pas autorisées. Si l’on demande ses droits à Allah, Il prend alors des décisions que ne peut sonder la perspicacité de ce monde.

Dans un autre hadith, un Compagnon de demander au Saint Prophète(s.a.w.) : « Dis-nous comment nous devons agir au cas où nous aurions des dirigeants qui nous réclament leurs droits mais qui nous refusent les nôtres. » (D’ailleurs, les ahmadis dans le monde arabe me posent sans cesse cette question.) Le Saint Prophète(s.a.w.) se détourna de lui. Il posa à nouveau sa question, mais le Saint Messager(s.a.w.) se détourna de lui encore une fois. Lorsqu’il réitéra sa question pour la troisième fois, Al-Ash‘ath ibn Qays(r.a.) le tira en arrière pour le faire taire en disant que cette question ne plaît pas au Prophète(s.a.w.), mais le Saint Prophète(s.a.w.) lui répondit alors : « Ecoutez-les et obéissez-leur. Ils seront questionnés au sujet de leur responsabilité, et vous serez questionnés au sujet de la vôtre. »

Encore un hadith : Junadah ibn ‘Abi ‘Umayyah raconte qu’il s’est rendu (avec un groupe de personnes) auprès de ‘Ubadah ibn Samit alors que celui-ci était malade. Ils lui dirent : « Qu’Allah t’accorde le bien ! Raconte-nous un hadith que tu as entendu du Prophète(s.a.w.). Qu’Allah te le rende ! » Il répondit : « Le Prophète(s.a.w.) nous fit appeler. Nous lui prêtâmes allégeance à la condition d’écouter et d’obéir en toutes circonstances, que ce soit dans le bonheur ou le malheur, la pauvreté ou l’aisance, et même si nos droits sont usurpés. Il nous fit aussi jurer de ne jamais nous opposer au dirigeant, qui qu’il soit, à moins que celui-ci soit coupable d’incroyance ouverte contre laquelle vous ayez une preuve de la part d’Allah. »

Des évidences claires d’incroyance sont donc reauises. Cela n’a aucun rapport avec les fatwas d’hérésie lancées par trop facilement par les ‘Ulama’ (érudits) d’aujourd’hui.

Abu Dharr(r.a.) rapporte que le Prophète(s.a.w.) a dit qu’Allah déclare (il s’agit donc d’un ‘hadith qudsi’) : « O Mes Serviteurs! Je me suis interdit l’injustice, et Je vous interdis de la pratiquer. Ne soyez donc pas injustes les uns envers les autres… »

Si vous souhaitez échapper à la condamnation de Dieu, ne cessez jamais d’accomplir votre devoir. L’affaire des dirigeants est entre les mains d’Allah. Continuez à vous investir dans la prière. Pour ce qui est de l’incroyance des dirigeants, c’est-à-dire au cas où ils vous donneraient des ordres clairs de défier les injonctions coraniques, vous ne devriez pas alors leur obéir. Le Pakistan se comporte justement de cette façon-là envers les ahmadis. On nous dit là-bas de ne pas faire la déclaration de foi islamique, de ne pas observer les cinq prières quotidiennes, de ne pas offrir la salutation de paix islamique…

Or, nous sommes musulmans, et nous disons qu’il n’y a pas lieu de leur obéir lorsqu’ils tentent de nous empêcher de suivre les injonctions islamiques, et lorsqu’ils essaient de nous forcer à les enfreindre ; mais hormis cela, nous devons respecter les lois du pays.

Le hadith que j’ai cité en dernier contient le résumé de tout l’enseignement, à savoir ne pas être injustes les uns envers les autres, ni les dirigeants envers le peuple, ni le peuple envers leurs dirigeants par des actions de nature condamnable pour reprendre leurs droits. Il revient aux dirigeants et au peuple de voir dans quelle mesure ils se conforment à ces principes. Les gouvernants ne seraient-ils pas en train d’abandonner les normes les plus élevées de la justice ? Dieu est-Il vraiment témoin du fait que toutes leurs décisions sont prises selon les enseignements émanant de Dieu ? Quant au peuple, hormis l’ordre de désobéir aux commandements de Dieu, disent-ils vraiment « Nous entendons et nous obéissons » à tous les ordres émanant de leurs dirigeants ? Au cas où ils seraient gouvernés par des tyrans, se limitent-ils aux larmes versées uniquement devant leur Seigneur ?

Il est fort probable qu’aujourd’hui les seuls qui se conforment à ces principes sont les ahmadis. Si même ces derniers ne s’y conforment pas, nous retournerons à l’époque de

ظَهَرَ الْفَسَادُ فِي الْبَرِّ وَالْبَحْرِ

« La corruption est apparue sur terre et sur mer… » (Le Saint Coran, chapitre 30, verset 42)

Or, les musulmans devaient de toute façon connaître une telle époque, car l’apparition des conditions qui la caractérisent durant l’ère du Messie et du Mahdi promis fait l’objet de prophéties dans le Saint Coran et les dires du Prophète(s.a.w.).

Il incombe donc aux leaders musulmans et au peuple de réfléchir à ce sujet. Afin de mettre fin aux troubles, il vous faut chercher et vous lier à celui qui a été envoyé par Allah. Si les habitants de la Syrie en particulier, et les musulmans en général, réfléchissent sur cette prophétie du Messie Promis(a.s.), à savoir بلاء دمشق , ils réaliseront que la personne faisant la prophétie vient de la part d’Allah. Prêtez une oreille attentive à ce qu’il dit, car en-dehors de celui envoyé par Allah, il n’y a personne pour vous guider. Le comportement actuel de certaines nations favorisera l’essor d’organisations extrémistes et de groupes voulant gouverner au nom de la religion ; l’on ne peut imaginer les massacres qui en résulteront.

Qu’Allah octroie la sagesse aux dirigeants musulmans et au peuple. Qu’ils arrivent à comprendre le commandement divin

وَتَعَاوَنُوا عَلَى الْبِرِّ وَالتَّقْوَى

« Et entraidez-vous dans la droiture et dans la piété… » (Le Saint Coran, chapitre 5, verset 3)

afin qu’ils soient de ceux qui collaborent les uns avec les autres dans le bien et la taqwa. Qu’ils soient de ceux qui évoluent dans la piété et la crainte révérencielle de Dieu. Qu’ils soient de ceux qui répandent l’amour. Qu’ils soient de ceux qui gagnent les cœurs. En effet, l’on ne peut gouverner sans gagner les cœurs, sans honorer les droits du peuple. Il est on ne peut plus nécessaire que tout leader musulman comprenne cet esprit des choses. Jetez un coup d’œil sur votre histoire : il était un temps où les chrétiens, observant les normes élevées de la justice chez les musulmans, priaient d’être libérés de leurs dirigeants chrétiens et d’être gouvernés par les musulmans. Combien cette ère paraît-elle éloignée de notre époque où les musulmans sont coupables d’injustices les uns envers les autres. Au lieu de manifestations de

رُحَمَاءُ بَيْنَهُمْ

« …et tendres entre eux-mêmes… » (Le Saint Coran, chapitre 5, verset 3)

aujourd’hui les gorges sont tranchées. Les musulmans se précipitent vers les nations chrétiennes afin de leur demander asile pour vivre tranquilles, pour obtenir justice, pour vivre libres.

Si au moins les dirigeants des pays musulmans pouvaient comprendre leurs responsabilités ! Qu’Allah leur fasse parvenir notre message d’une façon ou d’une autre. Il faudra également envoyer le message que j’ai énoncé aux pays d’Occident et aux superpuissances, bien que, comme je l’avais dit précédemment, j’aie déjà envoyé par différents moyens le message qu’une attaque sur la Syrie ne se limitera pas à ce seul pays, mais emportera le monde entier dans son sillage.

La loyauté de tout ahmadi envers son pays – et en particulier celui qui habite dans un pays occidental – voudra qu’il alerte les politiciens de la dévastation qui s’annonce.

Prions qu’Allah permette au monde de reconnaître la véracité du Messie Promis(a.s.). Qu’Il accorde aux dirigeants et au peuple la force d’accomplir leur devoir, et de mettre fin à la guerre civile afin de se préserver de l’anéantissement. Qu’Il ouvre les yeux des dirigeants d’Europe et d’Occident afin qu’ils soient à mêmes d’agir en toute justice et qu’ils puissent se préserver de l’iniquité. Qu’ils honorent les droits même des plus petits pays, et qu’ils n’offrent leur soutien à aucun pays dans le but de servir leurs intérêts égoïstes, mais plutôt dans l’intérêt de la justice. Qu’Allah protège tous les membres de la Communauté [Ahmadiyya] de tout mal émanant de la situation actuelle. En Syrie, notamment, un grand nombre d’ahmadis en sont affligés. Allah a sans doute révélé l’avertissement de بلاء دمشق , mais nous prions qu’Il fasse s’accomplir la révélation contenant la bonne nouvelle suivante :

يَدْعُونَ لَكَ اَبْدَالُ الشَّامِ وَ عِبَادُاللهِ مِنَ الْعَرَبِ

c’est-à-dire « Les saints de la Syrie prient pour toi, de même que les serviteurs de Dieu parmi les Arabes. »

Qu’Allah fasse que toute l’Arabie vienne vite se réfugier sous le drapeau du Messie de Muhammad(s.a.w.) afin que l’agitation dans le monde arabe – que d’aucuns ont qualifié de « printemps arabe » – devienne source de faveurs spirituelles et non mondaines. Que ces gens soient de ceux qui prient pour le Messie Promis(a.s.), et qu’en se liant à sa personne ils soient de ceux qui propagent dans le monde l’enseignement du véritable Islam, à savoir un enseignement d’affection, d’amour et de paix.

Qu’Allah nous aide, nous aussi, à comprendre et à honorer nos responsabilités. Que nous soyons de ceux qui s’attirent la miséricorde d’Allah et de ceux qui continuent à guider le monde vers la vérité. Que nous soyons de ceux qui établissent la paix et la justice, et qui en disséminent l’enseignement. Qu’Allah protège le monde des effrois et de la dévastation de la guerre. »